Si, en 1965, les clients de Ferrari avaient pu compenser la défaillance de l’équipe officielle au Mans et profiter de l’encore fragilité des Ford, il n’en sera plus de même en 1966. Les voitures de Détroit sont plus nombreuses que jamais mais surtout cette fois suffisamment fiables et, ce qui complique encore un peu plus la tâche des Ferrari, encore plus véloces. Ford s’impose dans le championnat international des marques dans la catégorie reine (prototypes + de 2.0litres) et au Mans, y signant un impressionnant triplé après avoir mis en déroute l’équipe Ferrari dès avant le petit matin …
Si la saison 1966 se révèle déjà être très photogénique, celle de 1967 place la barre encore un peu plus haut et concentre quelques-uns des plus beaux bolides de l’histoire du sport auto : Ferrari P4, Ford GT40, Mk II et Mark IV, Chaparral 2F, Lola T70 …. La saison internationale se révèle pourtant être une partie de cache-cache entre Ferrari et Ford …. La marque italienne signe un implacable – et pour Ford un humiliant ....- triplé aux 24 heures de Daytona avec ses toutes nouvelles P4 mais, après cette entrée en matière fracassante, les équipes officielles de ces deux géants de la saison 1967 ne se confronteront plus avant les 24 heures du Mans…. La nouvelle Ford Mk Iv s’impose à Sebring mais Ferrari est absent … Et lors des manches européennes, Ford est à son tour absent, ce qui permet à Ferrari de s’imposer à Monza et Spa mais également à de solides Porsche de remporter les épreuves du Nurburgring et la Targa Florio se posant en rivale directe de Ferrari pour la course au titre.
La P4 belge termine à la 3e place des 4 heures 1967 et complète le méritant tir groupé de la marque italienne mais ... derrière la Ford victorieuse ...
Sur le tracé très rapide du Mans, les bolides allemands dépassant encore à peine les 2.0 litres de cylindrée, sont toutefois encore bien trop peu puissants face aux Ford 7.0 litres et aux Ferrari 4.0 litres …. La confrontation Ford – Ferrari tient toutes ces promesses. Même si une Mk IV domine la course pratiquement de bout en bout, elle ne creusera jamais un écart définitif surtout en cette époque où les coups de théâtre mécaniques peuvent anéantir même les écarts les plus importants. L’histoire retiendra que Ford s’impose encore au Mans en 1967 devant 2 Ferrari (dont une « Belge » …) et le titre mondial que Ferrari parviendra à arracher à Porsche en fin de saison ne suffira pas à compenser le prestige d’un succès dans la Sarthe…
Si 1967 fut l’année d’un duel au sommet entre voitures superbes, elle fut aussi celle de tous les records de vélocité et de distance pulvérisés (plus de 5000 km parcourus par la Ford victorieuse au Mans). Les sommités du sport auto s’en inquiètent et taillent dans le vif en limitant la cylindrée maximum des Sport à 5.0 litres (autos devant être produites en outre à 50 exemplaires) et celles des prototypes à 3.0 litres …. Ford se retire mais de solides GT40 assureront encore de beaux restes à la marque américaine durant 2 saisons. Ferrari se retire aussi … mais sans qu’aucune voiture de cette marque, à l’exception de quelques vieillissantes 250LM, ne fasse la moindre apparition privée ou officielle en 1968…
En 1969, changement de cap à nouveau pour Ferrari qui se replonge dans le bain mondial de l’endurance avec de nouvelles (et une fois encore très belles) Ferrari 312P (en version spyder ou fermée) équipées de moteurs 3.0 litres pareils à ceux équipant les F1 de la marque, en un peu moins puissants. Face à des Porsche qui, cette fois, jouent la gagne mais aussi des Ford Gt40, ces Ferrari se révèlent compétitives mais leurs apparitions sont un peu trop irrégulières et les voitures manquent de fiabilité et de … chance … (normal quand on a Chris Amon dans l’équipe ?). Ainsi au Mans, une des 2 voitures engagées est éliminée dès le 1e tour par la faute d’une Porsche 917 en perdition.
Coincée entre les P4 de 1967 et les 512 de 1970, plus prestigieuses, la 312P de 1969, dépourvue de tout palmarès probant, est longtemps restée dans l'ombre avant que son élégance absolue n'en fasse une star des grands rassemblements pour voitures historiques ...
Ces Porsche 917 sont la grande nouveauté de cette saison 1969. Profitant que l’homologation d’une Sport s’obtient désormais avec 25 bolides construits au lieu des 50 demandés un an plus tôt et que des moteurs non issus de la série y sont admis, Porsche ose le pari de la construction de 25 voitures pour aligner ce qui est en fait un véritable prototype doté d’un moteur de 4,5 litres (qui sera vite poussé à 5.0 litres) développant plus de 500 CV … Une fois la (certes longue et délicate…) mise au point de ces épouvantails aboutie, ces derniers se posent en favoris incontournables pour la saison 1970… Ferrari relève néanmoins le défi, casse sa tirelire (et celle de Fiat …) pour, à son tour, produire 25 Sport … A peine construites et homologuées, une forte escouade de 512 débarque à Daytona pour l’épreuve inaugurale de la saison 1970. Encore un peu jeunes, les Ferrari sont battues par les Porsche mais y signent néanmoins des prestations prometteuses pour la suite de la saison … Et, de fait, aux 12 heures de Sebring, ce sont les Porsche qui connaissent les affres de la course sur ce circuit également fort particulier et une Ferrari 512 y obtient déjà sa première victoire …. Qui sera hélas aussi la …dernière de cette Sport italienne … Alors qu’après le succès italien, on s’attend à une saison ouverte entre les 2 marques européennes, la suite sera une suite ininterrompue de victoires allemandes, via les 917 mais également grâce aux agiles Porsche 908 au Nurburgring et à la Targa Florio. Dans cette dernière et très atypique course, Ferrari lance crânement une encombrante 512 qui terminera à une honorable 3e place au milieu d’un essaim de Spyder 908/3… Au Mans, les pourtant nombreuses 512 sont décimées par, entre autres, des conditions de course très … humides et Porsche parachève une saison triomphale en raflant non seulement la victoire avec l’une de ses 917 mais en signant également un triplé au classement général et en raflant la totalité des succès dans les divers catégories et classements …
Dès le départ des 24 heures du mans 1970, le ton est donné: les Porsche 917 se portent d'emblée aux avant poste et les Ferrari 512 vont disparaitre les unes après les autres, parfois brutalement lors d'acrochages ou sorties spectaculaires sous la pluie
En fin de saison, Ferrari présente une voiture modifiée, celle qui s’appellera plus tard la 512 M.. Avant de devoir renoncer, la voiture domine les Porsche 917 et laisse donc entrevoir une saison 1971 plus ouverte …
Mais Ferrari renonce à jouer le titre et à engager une équipe officielle, laissant toute une série de 512 M entre les mains de plusieurs équipes privées certes réputées mais s’avérant incapables de rivaliser avec les Porsche. Seule l’équipe Penske jettera un peu le trouble en alignant une très véloce, très soigneusement préparée … et très belle … 512 M dans les manches américaines du championnat mondial ainsi qu’au Mans… Sans résultat probant toutefois car non seulement esseulée mais également accablée par de multiples incidents de course …
Que ce soit sur une Lola T70, une Porsche 917 Can Am, une trans-am ou sur cette Ferrari 512M, la livrée "Sunoco-Penske" fait souvent l'unanimité ...
L’équipe officielle Ferrari n’est toutefois pas totalement absente du championnat 1971. Elle prépare une saison 1972 qui bannira cette fois les Sport 5.0 litres, jugées encore trop véloces et … couteuses, au profil des seuls prototypes à la cylindrée limitée à 3.0 litres. Le cheval cabré se montre donc à plusieurs reprises accolé à un spyder 312 légèr et compact qui s’inspire des 908/3 de la marque « d’en face ». A son volant, Jacky Ickx y signe quelques très belles prestations tant aux essais que lors des débuts de course où, régulièrement, il rivalise avec les « grosses » 917 quand toutefois les circuits ne sont pas trop rapides. Malheureusement, la encore, la 312 s’avère trop esseulée et connait des 2e parties de course écourtées car parsemées d’incidents ou de problèmes mécaniques …
Sur le circuit tortueux du Nurburgring, la légère Ferrari 312P et ... Jacky Ickx font merveille même si la concurrence délaisse également ce jour la ses encombrantes 917 5.0 litres pour d'aussi agiles 908/3
Cela dit l’expérience de cette saison 1971 va porter ses fruits en 1972 dans le nouveau championnat du monde privilégiant donc les prototypes 3.0 litres. Ferrari y engage dans chaque manche de 3 à …4 voitures confiées à des équipages de choc incluant encore une fois « notre » Ickx national. Le succès est cette fois total et depuis bien longtemps, on n’avait plus vu Ferrari aussi dominateur dans une compétition d’endurance : 10 courses pour autant de victoires parsemées en outre de doublés et même d’un quadruplé (en Autriche)… . Pour être tout à fait objectif, Ferrari ne rencontre pas une opposition très relevée en 1972. Porsche n’est plus la. Au début de l’année, Alfa Romeo et même Lola et puis ensuite Gulf Mirage se montrent certes assez convaincants mais , par manque de moyens et de développement, cette opposition à Ferrari s’étiole bien trop vite. Ferrari aurait pu rencontrer une concurrence nettement plus sérieuse aux 24 heures du Mans sous la forme des Matra 670 et avait d’ailleurs engagé 4 voitures … Mais, titre mondial assuré et peu certaine que ses spyders taillés pour des courses de 6 heures ou de 1000 kms soient suffisamment fiables sur deux tours d’horloge, la marque italienne brille par son absence dans la Sarthe.
Sauf au Mans où elles brillent par leur absence, les 312P de 1972 survolent la saison mondiale "Sport-prototype 1972" .... Ce sera pourtant le dernier titre mondial de la marque italienne dans cette catégorie ...
Le duel Ferrari – Matra tant espéré au Mans en 1972, aura bien lieu dès l’année suivante, non seulement sur le circuit français mais également tout au long de la saison mondiale d’endurance. Dès les premières confrontations directes, les 312, si dominatrices quelques mois plus tôt, sont cette fois dominées en efficacité par les Matra. La saison n’en demeure pas moins indécise car les Matra sont de temps à autre confrontées aux aléas des courses d’endurance de cette époque. L’explication de l’année et décisive se tiendra au Mans : 3 Ferrari affrontent 4 Matra. La course est fertile en rebondissements et , tour à tour , chacune des 2 marques rivales prend l’avantage. Matra aura toutefois le dernier mot et s’impose non seulement au Mans mais poursuit sur sa lancée en dominant le reste de la saison pour rafler également le titre mondial …
Au Mans 1973, Merzario est le lièvre de la marque au cheval cabré et est déjà sorti du cadre de cette photo ... Le duel Ferrari - Matra sera superbe et longtemps indécis
https://fr.motorsport.com/lemans/video/24-heures-du-mans-1973-110788/337579/Durant l’intersaison 73-74 , tout semble indiquer que Ferrari prépare sa revanche et on peut voir régulièrement un pour le moins ... étrange prototype tourner assidument pour préparer la saison à venir … Mais selon la légende, un certain Nikki Lauda, qui vient d’être engagé par la Scudéria pour, essentiellement, la F1 semble avoir eu une grande influence pour convaincre Ferrari de ne plus disperser ses moyens sur deux compétitions mondiales majeures … Le Prototype disparait ainsi des circuits et des titres de la presse spécialisée … Ferrari ne se montrera dès lors plus officiellement qu’en F1 et ce durant les près de … 50 années suivantes …
40 ans avant les LMP des années 2010, on était déjà capable de dessiner des voitures à l'esthétique ... décevante ....
Durant l'intersaison 73 & 74, Ferrari cherche manifestement à obtenir plus d'appui et de stabilité sur ses protos ... Ce sera la dernière apparition d'un proto officiel Ferrari et uniquement lors d'essais sans suite (qui a dit ouf ? ...
) en course ...
Certains (dont moi …) pensent que, outre bien entendu le rôle de Bernie Ecclestone et l'arrivée des grands constructeurs en F1, le retrait de Ferrari des courses d’endurance marque, au moins symboliquement, le passage d’un relais … en contribuant à faire de la F1 la compétition majeure du sport automobile pendant que l’Endurance passe au second plan à l’exception de quelques belles éditions des 24 heures du Mans. Il y aura aussi plusieurs beaux championnats d’endurance (mais aussi quelques saisons désastreuses … ou carrément sans championnat…) . Ces quelques belles saisons ne feront toutefois vraiment frémir qu’un public « d’initiés» sauf quand il s’agira de se pâmer devant les incroyables et longues (non, je n’ai pas dit interminables …) séries de victoires réalisées ces dernières décennies par Porsche et Audi. A plusieurs reprises, on espèrera le grand retour de Ferrari dans les courses d’endurance. Lorsque, après une longue traversée du désert, les GT retrouveront le chemin des circuits au milieu des années 90, Ferrari sera de la partie (souvenons-nous des F40 en championnat BPR …) et remportera quelques beaux succès (mais une seule à Francorchamps en 2005 …). Plus prometteuse encore pour jouer la gagne apparaitra la construction des Spyders 333 SP, une initiative toutefois totalement "privée (Dallara & Momo). Mais plus décevant s’avèrera toutefois le palmarès final, en particulier au Mans, de ces prototypes …
Dans un contexte pourtant assez favorable aux équipes "privées", les Ferrari 333 attireront certes les regards mais ne signeront pas les performances espérées y incluse celle engagée en 1996 au Mans pour un équipage 100 % "belge une fois ..."
Mais, à chaque fois, il s’agira de programmes destinés à des équipes privées et ce même si certaines de ces équipes (ex : AF Corse) apparaissent plus que très proches de l’usine Ferrari. Et puis, surtout, ils ne se révèleront jamais capables de permettre à la marque italienne de retrouver son lustre d’antan en endurance en s’imposant, ou à tout le moins en jouant la victoire absolue, dans les épreuves les plus prestigieuses dont l‘incontournable double tour d’horloge manceau … et, idéalement, confrontée à des constructeurs majeurs à commencer par Porsche …
Je poursuivrai et conclurai plus tard avec une présentation de quelques bolides de "slot & scalex" en rapport avec le thème traité ...